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LES ENTARTISTES

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Archives: Articles de Presse

La Presse 6 Février 1999

Les terroristes

"C'est la nouvelle forme de terrorisme qui frappe le Québec", disait Stéphan Bureau. Son grand front de premier de classe s'est chagriné d'une ride d'agacement tandis que la caméra nous ramenait à la conférence de presse où Jean Monty pontifiait sur les bourses du millénaire.

Stéphan Bureau qui traite Monty de terroriste en plein téléjournal? Ciel! Le jeune homme aurait-il des couilles en plus d'un grand front?

Hélas! hélas! Je déchantai dans la seconde. Le terrosiste dont parlait Bureau n'était pas Jean Monty. Vous savez qui est Jean Monty? C'est le PDG de Bell Enterprise qui va mettre 2500 téléphonistes au chômage. Le terroriste dont parlait Bureau, ce n'était pas Monty, mais plutôt le type qui voulait lui foutre une tarte à la crème dans la figure.

Merci Stéphan de dénoncer les criminels qui tournent l'information en dérision. Mais félicitons surtout notre confrère Louis Lemieux qui a presque démasqué les entartistes et leurs complices... Une semaine auparavant, Louis Lemieux avait couvert une conférence de presse chahutée par les entartistes qui avaient encrémé le ministre Pierre Pettigrew, celui-là qui met des quotas sur les chômeurs. On a vu l'entartage au téléjournal, le commentaire était de Louis Lemieux, mais les images avaient été achetées à un caméraman pigiste. Une camérawoman pour être plus précis... Quand Louis Lemieux a aperçu la même camérawoman à la conférence de presse de Jean Monty, il s'est dit: ah ah! avec cette intuition très pointue qui est la marque des grands reporters, il a compris qu'on allait aussi entarter Monty, il a eu l'idée de préparer un topo sur les entarteurs.

"C'est la nouvelle forme de terrorisme qui frappe le Québec", disait Stéphan Bureau pour présenter le topo de Louis Lemieux. Sur le coup, j'ai cru qu'il voulait parler de Jean Monty, le type qui va se débarasser de 2500 téléphonistes pour faire monter les actions de Bell. Mais ce n'était pas Jean Monty qu'on voyait à l'écran, c'était une jeune femme aux cheveux courts, caméra sur l'épaule, spottée dans un rond de lumière comme on le fait pour distinguer un mafioso dans une foule, pour dire voyez c'est lui, il était là.

-Hé je la connais!
-Qui ça?
-La fille dans le rond de lumière...
-Une autre de tes étudiantes, je suppose?

Ma fiancée a une façon d'insister sur "je suppose" qui suppose plein de trucs qui ne sont jamais arrivés. Anyway, je me suis rappelé le nom de la fille: Ève. Une petite rock'n'roll. Une grande en fait. Je l'ai retracée assez vite.

-Allo Ève, long time no see. Ça doit faire 18 ans, et t'avais 18 ans. T'es devenue terroriste?
-M'en parle pas.


Mais on en a parlé. Ève est camérawoman. Elle a travaillé un bout de temps à Global News, à Quatre Saisons, un peu partout. Maintenant elle est pigiste.

-T'es dans la gang des entarteurs?
-Pas du tout.
-Mais tu les connais?
-Bien sûr. Ils m'avertissent, comme ils avertissent d'autres journalistes qu'il va y avoir un entartage. J'y vais. Je fais mes images, je les vends. Je suis témoin de l'événement, pas acteur.

(Peut-être convient-il de rappeller ici que les entartistes sont un groupe de pâtissiers pataphysiciens, héritiers du Parti Rhinocéros (il y a du François Gourd là-dessous) qui ont déjà entarté des tartes du genre William Johnson, Jean Doré, Raël, Pierre Bourque, Bill Gates, etc. Que justice soit fête, dit leur devise. Une fête évidemment très médiatisée, ce que Stéphan Bureau a relevé avec un rien d'impatience: "Les auteurs des entartages arrivent à se faire une place dans les médias à chacune de leurs interventions", se désolait-il.

-Dis donc Ève, si les entarteurs t'avertissent qu'il va y avir un entartage, alors t'es complice, non?
-Où tu t'en vas avec tes claques! Les journalistes qui sont allés à la conférence de Monty, il a bien fallu que quelqu'un les avertisse que Monty serait à tel endroit, à telle heure, et qu'il allait dire des conneries sur ci et ça. Tu crois pas que Monty fait plus de terrorisme avec ses rationnalisations de personnel que les entartistes avec une petite bonbonne de crème fouettée? Est-ce que les journalistes qui sont allés à la conférence de presse de Monty, pour Monty, sont complices des coupes de personnel qu'il va faire au Bell?... Quand les flics nous avertissent qu'ils vont faire une descente dans un club de danseuses à Laval, et qu'ils nous invitent à filmer la chose pour que le bon peuple puisse juger de l'efficacité de la police, est-ce que je suis complice de la goujaterie des flics? Ben d'abord j'ai été terroriste souvent et je n'en suis pas très fière.

"C'est la nouvelle forme de terrorisme qui frappe le Québec", disait Stéphan Bureau.

Tu déconnes, Stéphan. La nouvelle forme de terrorisme qui frappe le Québec c'est pas la tarte à la crème. Et rassure-toi, ce n'est pas toi non plus. Ève aurait bien aimé que je dise que c'est toi, le terroriste. Mais non. T'es plutôt mignon. Tu t'es trompé. Bon. Elle s'en remettra. C'est une grande fille.

Tu sais ce que m'ont dit plusieurs lecteurs cette semaine? Ils m'ont dit que le terroriste, c'était moi. Tu sais pourquoi? Pour trois petits mots que j'ai ajoutés à la fin d'un texte écrit par deux universitaires qui, tout en me traitant de tous les noms, se portaient à la défense du téteux cuivré, une sorte de biologiste qui s'intéresse aux poissons d'eau douce.

La semaine d'avant, une dame de Boucherville m'avait laissé un message courroucé, parce que j'ai écrit que Boucherville était une banlieue col bleu. "Vous saurez que Boucherville n'est pas une banlieue ouvrière, il n'y a pas de cols bleus ici et gnagnagna". Elle avait laissé un numéro. Je l'appelle. Gentil et tout. OK je me suis trompé. Mais pourquoi la seule idée d'habiter une banlieue ouvrière vous met dans cet état, madame? Elle a explosé. "Vous êtes bien comme dans vos chroniques, vous avez toujours le dernier mot, vous êtes un... elle s'est mise à bégayer, un té, un té, un terroriste.

Eh misère. Terroriste pour une simple question. Terroriste pour un poisson. Et toi Stéphan, pas mieux loti, qu'une tarte à la crème épouvante. Comme on est loin de l'Algérie, non? Comme nos terreurs sont confortables. Comme nos indignations nous "libèrent". Comme nous jouons bien du tambour. Comme nos postures sont dignes, ah si si mon vieux, je la trouve très bien la petite ride qui te barre la front quand tu t'exaspères. Et comme on dort bien quand même malgré tous ces terroristes qui nous menacent, tu ne trouves pas, Stéphan?

Pierre FOGLIA
 
 

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QUE QUI PEUT PUISSE!